Jean Boucher
Ce livre dont nous présentons ici une édition rouennaise de 1657, est le best-seller de la littérature de pèlerinage en français avant la Révolution. Régulièrement réimprimé (la Bibliothèque nationale de France en détient dix éditions différentes de 1618 à 1750), il figure dans nombre de bibliothèques : Chateaubriand l’évoque comme source dans son Itinéraire de Paris à Jerusalem publié en 1811. Marie-Christine Gomez-Géraud en a fait une édition critique publiée chez Champion en 2008.
Ce livre est à replacer dans l’effort de reconquête catholique opéré par la Contre Réforme issue du Concile de Trente. Les franciscains, ordre de mission, y sont engagés au premier chef. Jean Boucher en fait partie. Il est entré en religion en 1578 au couvent du Mans. Prédicateur à l’Ambassade de France à Venise, il fait de 1610 à 1612 un pèlerinage en Terre Sainte, qu’il relate en 1614 dans le Bouquet sacré, dont le titre s’inspire largement de François de Sales. Celui-ci, dans l’Introduction à la Vie dévote, parle du beau bouquet des vertus chrétiennes. Dans le livre présenté ici, les fleurs sont les lieux saints que décrit Jean Boucher dans un ouvrage tenant à la fois de la relation de voyage et de la méditation dévote. Dédié à Jésus, « roi des rois », et à sa mère « la très haute Princesse Marie », le livre comporte quatre parties. La première décrit la Grèce, l’Égypte, l’Arabie, la Palestine. La deuxième, consacrée à Jérusalem, fait la part belle à la via sacra du prétoire de Pilate au Golgotha, chemin de croix dont les franciscains, gardiens du saint Sépulcre, se font les guides dès 1337. La troisième évoque les voyages du Christ dans les montagnes et déserts de Judée et de Galilée. La dernière, enfin, présente aux lecteurs « la diversité des nations orientales & moeurs et humeurs extravagantes & différentes les unes des autres ».
Cet exemplaire est émouvant en ce qu’il nous montre à quel point il est précieux pour sa propriétaire qui, en 1721, y tient suffisamment pour se déplacer en ville avec lui, et dans le cas d’une perte éventuelle, promettre une récompense au passant qui le trouvera. Le livre a par la suite été détérioré par la pluie et réparé maladroitement mais avec soin. Il constitue de ce fait un précieux témoignage du temps d’usage des livres courants sous l’Ancien Régime.
Catherine Pichot